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    Robert le retour !

    Ça y est, j’ai revu Robert et je lui ai subtilement parlé de Mac (Guyver, mon bien aimé). Il avait l’air déçu le petit Robert, mais en même temps je me sens soulagée. Les choses sont claires.

    Ça fait un moment que je ne suis pas venue et je profite d’un moment de calme pour venir ici.

    Alors quoi de neuf ? Je ne vais pas vous souler avec les banalités habituelles du boulot. J’ai pas mal de nouveaux très intéressants, qui se lavent et qui sentent bon.

    Il faut quand même que je vous parle d’un gars que j’ai en suivi. J’aimerai tellement pouvoir l’aider plus mais je ne peux pas. C’est un gars que j’ai connu lorsque j’étais surveillante, et déjà à cette époque, il filait un mauvais coton. Absentéisme, violence, alcoolisme (à 9 ans il a commencé à boire, à 13 ans il était dépendant). Je l’ai récupéré il y a un an, il a la trentaine et il est complètement défoncé. Alcool, drogue, …Il est vraiment dans un piteux état. Il y a un respect mutuel, et de ce fait nous pouvons nous permettre de parler sans langue de bois. J’ai déjà abordé avec lui le sujet de son alcoolisme, et il est très lucide sur sa situation. Mais il ne souhaite pas arrêter. Et là moi je ne peux pas faire grand-chose. S’il ne souhaite pas se soigner, il ne pourra pas retrouver ou plutôt trouver un emploi, parce qu’il n’a jamais vraiment travaillé. J’ai les boules parce qu’au fond je sais qu’il est un type bien, mais il joue un rôle depuis des années, il est d’ailleurs connu comme le loup blanc dans la ville où il habite. Il n’a peur de personne, ni des gendarmes, ni du qu’en dira-t-on, ni de sa mère (la pauvre qui se met en 4 pour essayer de l’aider sans y parvenir).

    Bref c’est un cas désespéré, il vient de faire une cure de désintoxication et m’a appelé 3 jours après sa sortie complètement bleu ! Il est proche du point de non-retour, il n’a pas peur de mourir, et m’a même dit un jour que s’il n’avait pas eu son fils, il se serait foutu en l’air depuis longtemps. J’ai vraiment mal au cœur, car il essaye de se persuader qu’un jour il va trouver du travail et avoir une vie « normale » mais je sais que cet objectif il est à des années lumières de l’atteindre. Il faudrait un miracle pour qu’il puisse un jour trouver un emploi. Il faudrait qu’il fasse le deuil de sa bouteille, de ses frasques (il se permet beaucoup de choses lorsqu’il est ivre sur la voie publique), de ses amis de boisson, de cette vie passée à boire, dormir, boire… Et ça il n’est pas prêt d’y renoncer.

    Le cas de ce jeune homme n’est pas le seul hélas ! J’en ai des tas en suivi qui sont dépendants à l’alcool, des hommes, des femmes. Beaucoup ne me l’avouent pas mais les mains qui tremblent ne mentent pas, l’haleine et les yeux ne mentent pas non plus. Beaucoup viennent sobres et lucides, mais je vois le manque s’exprimer au travers de leur corps. Et je me dis que la France va mal. On réforme l’école, le travail, … Il y a un problème de fond qui ne sera jamais résolu si on continue dans ce sens. Le gouvernement nous a pondu les TAP dans les écoles maternelles et primaires, et le constat est que dans la plupart des écoles c’est un fiasco. Des encadrants qui n’ont aucune autorité proposent des activités merdiques par faute de budget (on n’est pas tous égaux hélas, les grandes villes bénéficient de réseaux associatifs, les écoles rurales se démerdent comme elles peuvent !). Mon mouflet est dans une école rurale, avec des enfants de bonnes familles et à peu près bien éduqués sauf que ça commence à sentir le roussi, les gamins s’emmerdent, du coup ils se chamaillent et ça tourne en bagarre. Le mouflet en a ras la casquette des insultes et des bastons, mais je n’ai pas le choix, je ne peux pas le retirer des TAP, il ne peut pas revenir seul à la maison trop de km, trop de danger. Pourquoi ne pas l’enlever de l’école et le mettre en ville ? Tout simplement parce que l’enseignement qu’il reçoit dans cette école est super. Les enseignantes sont très concernées pas la réussite scolaire des enfants et que pour rien au monde je ne veux lui retirer cette chance, j’ai un enfant qui aime l’école, c’est tellement rare de nos jours !

    Je ne sais pas vous, mais chez nous, l’instauration des TAP à fait qu’au bout du compte les enfants sont fatigués le vendredi et que par conséquent les maitresses n’en tirent rien (on perd donc une journée de travail). On a raccourci le temps d’apprentissage sur une journée ou deux (selon l’organisation des TAP), on a ajouté des activités périscolaires qui ne servent à rien d’autres qu’à énerver les gamins. On appauvrit l’apprentissage des bases. Les enseignants se plaignent (mais ils n’ont pas le droit de l’exprimer ouvertement, interdiction de l’inspecteur !), les enfants souffrent et les parents subissent.

    Aujourd’hui on veut réformer le code du travail. J’attends de voir ce qu’on va faire dire à la pauvre El Khomeri, les 3 mousquetaires pondent des réformes et les mettent sur le dos d’une jeune fraichement sortie de l’école qui doit faire bonne figure et se faire lyncher à leur place.

    Le pire dans tout c’est que tout le monde se plaint, chacun dans son coin et personne ne réagit. Ça fait des années que j’entends « ça va être bientôt un autre mai 69 », mais quand va-t-on bouger ? That is the question ! Les gens sont devenus défaitistes, fatalistes, sans ambitions ! « De toute façon on n’aura jamais de retraite ! », « Oh, moi ? Pfff, je ne retrouverai jamais de travail, je suis trop vieux ! », « ça sert à quoi de travailler ? Si je bosse, je perds mon RSA, la CMU, l’APL ! Quand on travail de toute façon le peu qu’on gagne on doit le redonner aux impôts » …des citations comme celles-là j’en entends tous les jours. Et moi je dois remotiver tout ça, mais avec quels arguments ?

    Hasta la Vista.


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